Guerre. Histoires d’Ukraine

Les Ukrainiens racontent comment ils vivent pendant la guerre

« En une semaine, j’ai oublié à quoi ressemble une vie paisible. Comment les gens marchent-ils dans les rues ? Comment puis-je tout simplement aller faire des courses ? Dès le premier jour de la guerre, je n’ai pas eu tout cela » , Anna Chaplygina, 37 ans, Bucha – Khmelnytskyi

par | 13 mars 2022 | Guerre. Histoires d'Ukraine

« Lorsque les bombardements ont commencé, les militaires nous ont crié de courir vers les abris. Mais est-ce que nous avions vraiment un abri ? Ce n’était qu’un passage souterrain sous les voies ferrées. Il était impossible d’y cacher tout le monde. Certains se sont mis contre le bâtiment de la gare, et je suis resté avec mon enfant dans un espace ouvert. Mon fils s’est assis et je l’ai couvert », se souvient Anna Tchaplygina, 37 ans, de Bucha. Le bombardement a eu lieu quand elle attendait un train d’évacuation. 

Cela fait une semaine que Bucha vit sous les bombardements de l’armée russe qui perturbent l’évacuation des civils. Sur le quai de la gare voisine à Irpin, les gens ne s’éloignaient pas les uns des autres pour pouvoir monter dans le train pour Kyiv. C’étaient les femmes avec des enfants. Personne ne laissait passer l’autre car tout le monde avait peur de rester dans cet enfer.

Anna et son fils de sept ans sont arrivés à la gare à 10 heures du matin pour prendre le premier train d’évacuation vers Kyiv. Mais il y avait autant de monde qu’il n’était possible d’accéder qu’au second train. Le bombardement a commencé 1h30 plus tard. Anna a vu un gros nuage de fumée épaisse et a supposé qu’un missile a touché l’hôpital militaire près de chez elle. À ce moment-là, la femme ne pensait que à une chose : si elle et son fils pourraient monter dans le train et s’ils ne se feraient pas tirer dessus sur le quai.

Anna a attendu le dernier moment pour partir. Elle se cachait des bombardements à l’abri ou dans le couloir. Dès le premier jour de la guerre, l’armée russe bombardait sa ville de Bucha et les villes voisines Irpin et Gostomel nuits et jours. La maison d’Anna est située à côté de la jonction menant à Irpin et Bucha. Il était impossible de sortir pour aller faire des courses. Les soldats russes étaient partout, même dans le bois. Anna a réussi à partir avec le dernier train d’évacuation d’Irpin. Ensuite, les occupants russes ont endommagé la voie ferrée et le train et des milliers de personnes sont restées sans cette possibilité de quitter la ville.  

Anna a immédiatement décidé de ne pas partir à l’étranger. Maintenant avec son fils, ils s’habituent au calme de la ville de Khmelnytskyi. Ici il y a toujours des alertes aériennes, mais pas de bombardements. 

« J’avais une impression d’être arrivée sur une autre planète. En une semaine, j’ai oublié à quoi ressemble une vie paisible. Comment les gens marchent-ils dans les rues ? Comment puis-je tout simplement aller faire des courses ? Dès le premier jour de la guerre, je n’ai pas eu tout cela », avoue Anna.

Dans sa ville natale de Bucha, elle a laissé sa mère qui est atteinte d’une maladie oncologique. Elle a catégoriquement refusé de partir car elle ne voulait pas laisser son chat. Cela fait une semaine qu’Anna n’arrive pas à joindre sa mère, mais Anna espère que le téléphone est simplement éteint car il n’y a pas d’électricité. De plus, la ville n’a ni eau ni gaz.

Grâce aux conversations dans les messageries qu’elle a avec des habitants de son immeuble, Anna a appris que l’armée russe était entrée dans son immeuble. Mais elle n’a pas plus de détail que ça. Les voisins envoient des photos de voitures brûlées. Dans certains appartements, une vague d’explosions a cassé les fenêtres.

À la première occasion, Anna veut rentrer chez elle pour reconstruire la ville. Elle dit qu’il est peu probable qu’elle continue à travailler comme experte en étiquette, comme elle le faisait avant la guerre. Elle est prête à travailler dans n’importe quel domaine, le plus important est que cela soit pour le bien du pays et qu’il y ait de l’argent pour nourrir son fils.

La femme craignait surtout que les troupes russes n’occupent les villes et ne prennent le pouvoir en Ukraine. Mais elle a vite compris que l’ennemi n’est pas si épouvantable qu’elle le croyait parce que les ukrainiens le repoussent. Et les occupants ne pourront pas y travailler à cause de la résistance de la guérilla. Maintenant, Anna prie constamment pour la victoire de l’Ukraine et rêve que le pays soit reconstruit. 

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