Guerre. Histoires d’Ukraine

Les Ukrainiens racontent comment ils vivent pendant la guerre

«Un missile a frappé notre appartement à Marioupol. On ne sait pas si notre grand-mère était là au moment de l’attaque. Je n’ai plus de contact avec ma famille depuis deux semaines», Kateryna Radyk, 21 ans, culturologue, Marioupol – Kyiv

par | 21 mars 2022 | Guerre. Histoires d'Ukraine, Mariupol

 

«J’ai découvert par hasard sur les réseaux sociaux qu’un obus a frappé notre appartement à Marioupol et que ce dernier a brûlé. Ma grand-mère pourrait être dans l’appartement. Nous lui avons demandé de descendre dans l’abri, mais on ne sait pas si elle s’y trouvait au moment de l’attaque. Je n’ai plus de contact avec ma famille depuis deux semaines», raconte Kateryna Radyk, 21 ans.

Marioupol assiégée et bombardée, elle a deux grands-mères, un grand-père, un oncle avec une jeune famille, de nombreux amis et une meilleure copine qui se préparait pour un mariage en février.

«Juste avant la guerre, nous choisissions ensemble des billets pour l’Italie afin d’organiser leur mariage en mars là-bas. Je ne sais pas si elle est toujours vivante. Elle habitait à côté de chez nous et rendait des visites à mes proches sous le feu jusqu’au dernier moment. J’ai appris par des photos sur Internet qu’il y avait un énorme entonnoir de l’explosion au milieu de la cour, et la connexion avec mon amie a été coupée».

Katya elle-même vit à Kyiv depuis quelques années, étudie la culturologie et travaille dans le domaine de la culture. Dans les premiers jours de la guerre, elle a même prévu de venir à Marioupol estimant que ce serait plus sûr là-bas, car en 8 ans la ville a appris à vivre avec une menace constante de bombardements. Mais ensuite, les lumières de la ville se sont éteintes et Kateryna a perdu le contact avec toute sa famille. Parfois, seulement sa copine l’appelait.

«Elle rendait des visites à mes grands-parents, malgré le fait que la maison d’en face était déjà en feu. Un projectile l’a atteint devant ses yeux. Les habitants de Marioupol se sont habitués à la guerre et n’ont pas eu autant peur des bombardements que dans le reste de l’Ukraine. C’est pourquoi de nombreux habitants de Marioupol ne descendaient au refuge qu’à la dernière minute et n’ont pas voulu partir. Peut-être s’agit-il d’une forme de trouble de stress post-traumatique qui se manifeste en sentiment étouffé d’auto-préservation. C’est pourquoi mes proches ne sont pas partis alors que c’était encore possible», dit Katya.

Pendant un certain temps, à Marioupol, il y avait encore une faible connexion près de l’ancien bureau d’un opérateur de téléphonie mobile. Des gens de toute la ville s’y rendaient juste pour envoyer un petit message à leurs proches, «Je suis en vie» ou «Notre maison n’est pas encore touchée». Pourtant, il était risqué d’y aller : la ville était bombardée toutes les 30 à 40 minutes, on pouvait donc mourir en chemin. Ensuite, cette possibilité a disparu.

«Pour autant que je sache, les habitants de Marioupol boivent maintenant l’eau du réseau de chauffage et de la neige fondue. La grande question est de savoir ce qu’ils mangent, car les stocks sont épuisés depuis longtemps, aucun magasin n’est ouvert». 

Avec ses parents et son jeune frère, elle a vécu à Kyiv pendant environ une semaine dans un abri près d’une école voisine. La goutte d’eau qui a fait déborder le vase était lorsque des maraudeurи ont tenté de cambrioler son appartement loué à Kyiv.

«Je suis monté à l’appartement pour prendre une douche et changer de vêtements après une semaine dans l’abri. J’étais seule dans l’appartement quand des inconnus ont commencé à défoncer ma porte. J’étais très effrayé. Heureusement, ils n’ont pas réussi à s’introduire dans l’appartement, ils ont pris la fuite. Des voisins m’ont expliqué plus tard qu’ils étaient des maraudeurs se faisant passer pour des services publics ou la défense territoriale pour entrer dans des immeubles.»

Après cette histoire, la famille de Kateryna a décidé de partir pour un endroit plus sécurisé. Nous avons réussi à trouver un transporteur, mais le bus n’a pas pû passer le point de contrôle. On a dû donc passer la nuit à la station de métro Teremky.

«Nous n’étions pas prêts pour ce genre de choses. Nous sommes restés assis toute la nuit dans le métro sans chauffage. C’était physiquement difficile, mais ce n’était qu’une nuit. Je ne peux pas imaginer à quel point c’est difficile pour les habitants de Marioupol qui vivent comme ça depuis deux semaines», raconte Kateryna.

Maintenant, elle est en Allemagne chez ses amis. Ensemble, ils ont créé un projet caritatif : la vente de dessins NFT. Tous les fonds accumulés par ce projet sont destinés à soutenir les forces armées ukrainiennes. Elle contacte également des journalistes étrangers et les sensibilise à la situation en Ukraine, car elle est convaincue que seule la pression publique peut forcer les dirigeants européens à aider l’Ukraine plus activement de diverses manières. Katya regarde constamment des photos et des vidéos de Marioupol assiégé dans l’espoir d’y voir ses proches vivants, sains et saufs.

«Je n’ai pas l’intention de rester dans l’UE. J’espère que très bientôt je pourrai retourner à Kyiv et reconstruire l’Ukraine», déclare-t-elle.

Plus d'histoires