Natasha (Nati) Nagaevska a 23 ans. Elle est directrice artistique, critique et directrice artistique de la galerie Garage-33. Elle a grandi dans la ville historique Bar dans la région de Vinnytsia. Elle travaille à Kiev avec la sculptrice Maria Kulikovskaya qui s’y est installée après l’occupation de la Crimée.
Dans la soirée du 23 février, Nata est venue de Vinnitsa à Kiev pour rencontrer des sculpteurs célèbres. Début avril, la jeune fille aurait dû superviser une exposition avec la participation de l’Union des sculpteurs. À 11 heures, dans la galerie «l’Artiste» près de la place de Lev Tolstoï, les collègues devaient discuter du concept de cette exposition. ils invisagaient d’évaluer si l’espace de la galerie convenait ou pas et de réfléchir à la meilleur façon de réaliser leur idée.
Quelques heures plus tard, la guerre a commencé.
« Je me suis réveillé environ cinq heures et demie des explosions à Brovary. Ici, à Vychgorod, tout le ciel est devenu flamboyant à cause de ces explosions. À 8 heures du matin le sculpteur Petro Gronsky m’a téléphoné. Il a dit que la réunion était bien sûr annulée et que tout était reporté indéfiniment. Nous nous sommes souhaité de la force, du courage et de la gloire à l’Ukraine!/Slava Ukraїni!»
Dans les premières minutes, les émotions nous dépassaient.
« D’abord-la désorientation. Je ne savais pas où ça explosaient. Nous ne savions pas quoi faire, où courir? Ensuite c’est la peur qui vous saisit, les tentatives de retenir les larmes, la confusion, le vocabulaire obscène s’echappe. La concentration, la détermination dans les actions, le contrôle des émotions viennent avec le temps. On devient lucide. »
Nata est hébergée maintenant dans la famille de son frère à Vychgorod. De la sombre réalité elle se sauve par le travail sur son «front»: elle aide Maria Kulikovskaya dans les actions de soutien aux artistes et aux galeries ukrainiens et essaie de tenir un journal.
« Le calme à Vychgorod vous fait la chaire de poules. Il n’y a eu que deux sirènes. Les fenêtres brillent la nuit dans de nombreux appartements. On comprend que les gens sont là. Les gens sont calmes et les voitures roulent dans les rues.Dans les deux premiers jours et à présent, les explosions sont particulièrement audibles: du côté de Bucha, Gostomel, Irpyn’. Mais il est très difficile d’arriver à Kiev car il y a des combats qui ont lieu pour cette ville.»
En une semaine d’agression russe, la jeune fille a commencé à avoir peur des corbeaux qui ressemblent à des bombes. L’ouïe s’est aggravée. J’ai commencé à entendre le moindre bruit et les aboiements, cliquetis et explosions.
« J’ai compris pourquoi après les événements en 2014 on demandait de ne pas lancer de feux d’artifice. Maintenant je me rends compte qu’une fois que c’est fini je ne pourrai pas vivre dans un monde où il y aura des feux d’artifice. Toutes sortes de sentiments et d’anxiété se sont aggravés en moi. Mais l’espoir ne disparaît pas. »
Pendant les premiers jours de la guerre il n’y avait pas de moyen de quitter Vychgorod. Natasha ne voulait pas faire parti de ces gens affollés dans ces files d’attente interminables sur les routes. Maintenant elle attend la voiture de Vinnitsa pour rentrer à la maison. Elle a hâte de revoir sa famille mais elle ne pense pas à aller à l’étranger malgré l’invitation. La véhicule qui devait venir la chercher n’arrive pas depuis deux jours.
« Avec cette guerre, j’ai réalisé que Dieu se moquait vraiment de nos projets. Je prévois, dès que tout sera plus ou moins calmé, d’encourager, d’éveiller l’esprit ukrainien et de développer l’art… C’est ce que je peux faire de mon mieux. J’ai repensé et une fois de plus compris à quel point j’aime mes proches et combien je veux que notre culture se développe après cette guerre. Je pense que l’Europe nous ouvrira ses portes. On s’intéresse déjà à nous. Croyez-moi, nous allons utiliser cette chance! »