Iryna Shyshka vit à Krolevets, dans la région de Soumy. Elle a 28 ans et il y a une semaine, elle construisait de faux cils pour ses clientes. Aujourd’hui, elle, son mari, leurs deux enfants et une famille d’amis qu’elle a accueilli dans son domicile tentent de construire leur propre île de sécurité dans la région qui a déjà été surnommé le » territoire de l’enfer « .
» La première chose que nous avons faite après les explosions du 24 février, c’était de mettre des vêtements chauds, de la nourriture et un lit de bébé au sous-sol. A cinq heures et demie, mon mari était déjà dans un magasin avec un chariot rempli de nourriture, de savon et de couches. Oui, j’avais peur, je ne voulais pas y croire. Mais je l’ai déjà vu et je sais quelle pourrait être la suite. Il fallait donc agir au plus vite. »
Ira vit avec la connaissance de ce qu’est la guerre depuis huit ans : en 2014, elle a obtenu un diplôme à l’Université de Donetsk. » J’étais en train de terminer mes études de licence alors que l’armée russe est entrée dans la ville. Les symboles de la Russie étaient accrochés en face de ma faculté, près du café » Liverpool « . Je me souviens comment les gens avec des drapeaux ukrainiens étaient battus. »
À ce moment-là, Iryna et son mari ont quitté Donetsk : on ne laissait personne quitter la ville, mais ils ont eu de la chance d’avoir échappé. » Notre voiture était connue aux trois points de contrôle car nous allions travailler à Krasnohorivka tous les jours. Nous avons fait semblant que nous y allions cette fois-ci aussi, et nous nous sommes fuis. »
Cette fois, il était hors question de partir. » Où aller? C’est mon domicile. De plus, il est impossible d’échapper à l’inévitable. » Actuellement, il est impossible de quitter la ville puisque les ponts ont été détruits. La sirène n’a sonné ici que quelques fois, donc la ville est en sécurité relative alors que dans une dizaine de kilomètres d’ici les villes sont en train d’être rasées.
» Les matins sont maintenant pires que les nuits. Beaucoup d’agitation et de chaos, j’ai beaucoup de choses à faire : nourrir trois enfants qui sont maintenant dans la maison, divertir tout le monde, les calmer… Mais en même temps, cela me sauve du flux de nouvelles, me distrait. »
Àce moment-là, Ira est anxieuse, parfois elle a de la nausée et souffre d’insomnie. Elle n’a pas de peur irrésistible des explosions, elle n’a pas peur pour sa maison ou pour des autres biens. Par contre, elle est effrayée qu’elle n’ait rien pour nourrir ses enfants, qu’elle ne soit pas capable de les protéger. Elle dit qu’elle pourra vivre d’eau avec du sucre, mais pas les enfants.
» Je rêve que l’armée ukrainienne chasse ces animaux de nos villes. Qu’elle les chasse également de Donetsk. Ensuite, je me promènerai le long de la rue Universytets’ka, je me baladerai dans les couloirs de mon université, je rencontrerai mes copines et on ira à même café » Liverpool » et je boirai de la bière à la brasserie de Yuziv. «